Débat “Parlons du franc CFA”, IFT, 27 Octobre
Par Marie-Soleil Frère
Le franc CFA est-il une bonne ou une mauvaise chose pour les pays de la zone qui l’utilisent ? Est-il un gage de stabilité monétaire et donc un atout en faveur du développement, ou, au contraire, est-il le signe de la dépendance des économies africaines vis-à-vis de la France et de l’Europe et, partant, un frein pour l’évolution de ces pays ?
Telle est la question qui a été abordée lors du débat qui s’est tenu le vendredi 27 octobre 2017 à 16h à l’Institut Franco-Tchadien, dans le cadre des manifestations conjointes de la conférence CTD et du Festival N’Djam s’enflamme en slam.
Pour aborder cette problématique sensible, deux intervenants ont pris la parole : d’une part Madji Cyril, professeur d’économie à l’Université de N’Djamena et, d’autre part, Richard Sebala, citoyen engagé et activiste tchadien, très présent sur les réseaux sociaux. La modératrice était Marie-Soleil Frère, professeur à l’Université libre de Bruxelles.
La thématique était de toute évidence bien choisie puisque plus de 200 personnes assistaient au débat, en particulier un grand nombre de jeunes étudiants.
Le débat a commencé par une présentation du Pr Madji Cyril qui a expliqué ce qu’était la monnaie, à quoi elle servait dans l’économie d’un Etat. Il a expliqué ce qui conférait de la valeur aux petits bouts de papier que sont les billets de banque. Il a retracé l’histoire du franc CFA, en montrant comment, au moment des indépendances, les anciennes colonies françaises ont décidé de conserver un système monétaire unique, dont la parité serait fixe avec le franc français. Il a ensuite donné son avis sur les avantages et les inconvénients de l’appartenance du Tchad à la zone CFA. Sa conclusion était que le franc CFA garantit une certaine stabilité de l’économie, facilitant les échanges avec les pays appartenant à la zone, mais que le système devrait toutefois être réformé.
Richard Sebala, pour sa part, a insisté sur l’absence de souveraineté monétaire des pays de la zone CFA et donc leur incapacité à utiliser cet instrument pour intervenir dans leur politique économique. Il a donné des exemples de pays où, face à une crise, l’Etat a eu la capacité d’injecter de l’argent dans l’économie, à travers une politique monétaire adaptée : une option dont sont privés les Etats africains de la zone franc CFA.
La parole a alors été donnée à la salle : de nombreuses personnes présentes sont intervenues, posant des questions ou donnant leur avis. Plusieurs ont souhaité comparer les évolutions économiques de pays africains possédant leur propre monnaie (la Guinée, le Nigeria, la République démocratique du Congo) avec celle du Tchad. D’autres ont souhaité savoir quelles seraient les conditions d’une sortie de la zone CFA et quelles seraient les retombées en matière de croissance économique ou de réduction du chômage. Certains ont insisté sur le fait que la dépendance économique entrainait une dépendance politique et que les pays de la zone ne seraient véritablement autonomes qu’en sortant du système.
Le débat a été extrêmement animé et les deux orateurs se sont finalement entendus sur un point : la sortie du franc CFA est certes souhaitable, mais, pour être bénéfique à l’économie, elle doit prendre place dans un contexte de bonne gouvernance, c’est-à-dire un contexte où l’économie nationale est gérée de manière responsable et où la Banque centrale est une institution indépendante du pouvoir politique. Des conditions qui ne paraissent pas atteintes à ce jour dans un grand nombre de pays de la zone…
Photo credits: Mirjam de Bruijn
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