Tchad : la victoire du vaincu
Venu au pouvoir par les armes en 1990, Idriss Déby Itno organise des élections pour la cinquième fois dans l’histoire du Tchad. A l’issu des élections tant attendue du 10 avril dernier, le président tchadien est réélu pour un cinquième mandat avec 61,56% des voix, résultats donnés par la CENI ce 21 avril 2016.
A Dakar au Sénégal où je me trouve il y a 3 jours, je ne m’empêche pas un instant de prendre les nouvelles de mon pays le Tchad que j’aime tant. Accroché devant le téléviseur, je fus surpris de l’annonce des résultats des élections présidentielles du fameux 10 avril… mon cœur battait la chamade. Le destin du Tchad sera dessiné ou décimé ?
Je revois en boucle le processus électoral, du recensement électoral, à la sortie des cartes biométriques sans puces, le vote et le processus de comptage… et le fait que les militaires aient voté dans un endroit non isolé m’inquiétaient déjà. Il y’a-t-il intégrité, crédibilité, transparence ? Cette élection, nous l’avions attendue. Oui, nous jeunes et la société civile dans son ensemble. Il faut être naïf pour imaginer Idriss Déby franchir la barre des 30% dans ce Tchad actuel où il fait l’objet de la frustration de la majorité de la population tchadienne.
Le sentiment de gêne qui se lisait sur le visage du président de la CENI face aux caméras montre à suffisance que les choses se passeront mal pour les tchadiens. Cette commission avait toujours les mains liées sous le régime de Déby. Dans nombres de pays africains, tel que le Sénégal où je me trouve, la Commission est vraiment indépendante et seulement sujette à la Constitution et à la Loi. Elle est créée pour être impartiale afin d’exercer ses pouvoirs sans peur, même si financée par l’Etat. Le président tchadien ne s’est pas caché pour tripatouiller ces élections où il serait largement dépassé.
Il bloque ainsi pendant les élections et jusqu’à la proclamation des résultats la connexion internet, les sms et brouille les appels. Mais de quoi avait-il vraiment peur? A la plus grande surprise de la population tchadienne, Déby ne refuse non seulement de revenir au second tour comme disent les tendances, mais est obsédé par ce « Un coup KO ». C’est ainsi le plus grand vaincu, Idriss Déby Itno s’érige en un lamentable vainqueur. Au grand dame de la communauté internationale, le président en exercice de l’Union Africaine a mit à nue les règles les plus bassiques du fondement de la démocratie.
Depuis des années, les proches du président Déby lui font croire que le peuple l’aime. Que sans lui le Tchad sombrerait dans le chaos ! Il n’a jamais essayé d’être proche de la population tchadienne pour comprendre à suffisance qu’il faudrait passer la main à quelqu’un d’autre. Le peuple tchadien est ainsi condamné à courber l’échine pendant 5 ou 10 ans de plus. Subir les atrocités du régime répressif et dictatorial.
Deuhb Emmanuel – Dakar
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