Tchad : La loi de la honte
Longtemps habitués à gouter à la drogue douce du fatalisme et de laxisme qu’offre le régime sur place, sous-estimés, les jeunes se surestiment à la vitesse de la lumière, en peu de jours seulement. Le Tchad vit la plus grande « défonce » de son histoire socio-économique. La jeunesse doit payer le prix, c’est ce que pense le gouvernement tchadien.
Le dimanche 10 janvier 2016, vers midi, un ami, activiste des droits humains m’écrivait pour prendre part à un rassemblement des jeunes dans une école publique de la place. Sans hésitation j’acceptais. Arrivés au lieu de rassemblement, la salle, sans ventilateur ni climatiseur était remplie de monde, tous de jeunes. Les yeux rougis par le désespoir et la colère. Nous nous sommes restés debout, faute de place.
Quelques minutes plus tard on nous fit prendre place au fond de la salle. Il faisait extrêmement chaud, mais en habitué de la chaleur dans la capitale tchadienne, nous n’avions pas vraiment le choix. Ce rassemblement aurait commencé une quarantaine de minutes avant notre arrivé, mon ami et moi. La rage se faisait sentir dans la voix des jeunes. La colère… La détermination à aller au bout de leurs engagements, parce que secoués quelques jours plus tôt par une loi jugée peu orthodoxe leur concernant.
Notre déplacement ce dimanche était d’écouter les jeunes, venus de différents arrondissements de la capitale tchadienne. Malgré la présence d’un modérateur et d’un responsable, chacun se lève et cri son mécontentement. Peu à peu, le calme fut dans la salle. Les paroles se demandent et se donnent par ordre.
« Avec cette loi, ça ne sert à rien d’aller voter », « Le gouvernement ne comprend qu’un seul langage, c’est celui de la rue. Il va nous sentir », « Nous sommes nombreux au Tchad, il faut agir », « D’ailleurs 25ans de pouvoir c’est trop »… quelques paroles écoutées par ci et là dans la salle. A l’unanimité, un communiqué de presse fut écrit devant tous au tableau et adopter par l’assemblée. Trois jours, le temps que donnaient les jeunes au gouvernement afin de retirer sa loi de la honte avant que tout s’explose.
Pendant que plusieurs foyers tchadiens célèbrent les fêtes de fins d’année sans argents, et où nombreux des enfants dans beaucoup de foyers fêtent sans « habits neufs » et ou sans « repas copieux »…
Pendant que tous les pays du monde entier mettent l’emploi des jeunes au cœur de leurs préoccupations, le gouvernement tchadien avait sortit ce 30 décembre 2015 une loi qui suspend l’intégration des jeunes à la fonction publique pour 3 ans. Une loi que nous appelons simplement la loi de la honte.
L’Etat qui, en principe devrait être le garant du bien être de la population et de l’accès à l’emploi à tout citoyen (article 32 de la constitution) se permet le luxe de violer cet article, comme bien d’autres d’ailleurs.
Pendant que mon ami et préparions une pétition à mettre en ligne, des mouvements et des rassemblements se créent dans la capitale tchadienne. Des mouvements, on peut dire « violents », parce que les jeunes ont vraiment marrent du régime.
Le Tchad, connait en ce moment une sérieuse crise financière. Les caisses de l’Etat sont vides. Entre temps, les grands voleurs de la république ne sont jamais inquiétés. L’assemblée nationale, la douane, les grands travaux présidentiels… ont à leurs têtes des responsables aux poches pleines d’argents des contribuables.
Ne pas intégrer des jeunes serait une solution de gagner en économie quelques milliards dans la caisse de l’Etat. Et donc, sacrifier les jeunes. C’est la solution la plus simple pour le pouvoir !
La jeunesse s’est mobilisée, très vite la nouvelle d’une éventuelle manifestation qui aurait tournée en défaveur du pouvoir en place parvient à la présidence de la république. Les réseaux sociaux ont relayé les appels, les post avec les jeunes tchadiens de l’extérieur tournaient en boucle… Que faire ?
Obligé, le maître d’ouvrage et son gouvernement capitulent. 5065 jeunes seront recrutés cette année à la fonction publique. Une conférence de presse animée le 12 janvier 2016 conjointement entre le ministre de la fonction publique et celui de la finance permet de lever le levier qui permet d’éviter le chaos, sans un sentiment de honte.
Quelques exemples des messages sur Facebook au Tchad en janvier:
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