Mon Refuge au Congo (2)

– Max-Landry Kassaï, 15 March 2017

Les 300.000 F CFA que nous avions sur nous, commençaient à finir. Or, nous voulions nous rendre à Kinshasa comme notre vie sur le camp ne nous arrangeait pas. Nous nourrissions des projets d’avenir tel que la poursuite de nos études supérieures. Et la ville congolaise qui devait nous permettre de réaliser ce rêve était Kinshasa, dont les amis congolais en parlaient élogieusement. Ces derniers nous faisaient croire qu’il y avait beaucoup de possibilité à Kinshasa et que HCR prenait bien soin des refugiés urbains, offrant par la même occasion,  des bourses d’études.

Pour nous, aller à Kinshasa était une occasion de réussite. Ainsi, nous nous étions résolus de partir, de quitter ce fichu de camp. Pour ce faire, le 22 septembre 2013, nous avions pris un véhicule de transport en commun pour commencer notre périple.  Donc l’itinéraire était : Zongo-Guemena-Akoula –Kinshasa. Après, nous étions arrivés à Akoula où il y a un  grand port fluvial. De là, nous avions pris le bateau en direction de Kinshasa.  Le voyage en bateau avait  duré sept jours.

Entre temps, nous avions eu de sérieux problèmes avec la police d’immigration, qui nous a refoulés à plusieurs reprises  au motif d’irrégularité dans la procédure administrative qui devait nous permettre de nous munir des papiers d’hébergement, autorisant notre descente sur Kinshasa. Dans ces tracasseries, nous avions fait connaissance d’un congolais, lequel a fait huit ans en Centrafrique. Il vendait au km5. Et comme dans le voyage il nous entendait parler Sango (notre langue nationale), il s’était vite rapproché de nous pour nous tenir compagnie. Il avait déjà regagné sa famille à Kinshasa pendant le putsch de Bozizé en 2003.

De ce fait, l’ami Elie nous a accueillis chez eux à Kinshasa, où nous allions passer tout le refuge. Les gens de l’immigration nous avaient complètement dépouillés de la somme que nous avions sur nous. Donc, nous ne pouvions désormais que compter sur la providence divine. A ce titre, une famille de commerçants se rendait à Kinshasa au bord du même bateau que nous. Elle nous a nourris comme des petits princes durant le voyage comme cette famille avait su que nous étions des refugiés. Nous nous régalions de poissons frais tirés du fleuve, avec de la viande rôtie et des œufs préparés pour la circonstance. Chaque matin, nous prenions un grand bol de lait avec de délicieux gâteaux.

Notre voyage sur le bateau a été une réussite grâce à cette famille de commerçant qui  nous a témoignés de sa générosité, malgré les tentatives d’accidents que nous avions surmonté.  Nous étions enfin arrivés à Kinshasa. Et Elie nous avait accueillis chez lui. Mais, ce dernier nous avait fait savoir sur le champ que Kinshasa « est une autre réalité et que personne ne prenne ici le soin des autres. C’est “chacun pour soi, Dieu pour tous”. C’était là où commençait notre enfer.

La parcelle où Max habitait à Kinshasa. Photo: Mirjam de Bruijn (June 2014)

Après un jour de repos, l’ami Elie de nous a suggérés d’aller directement chercher du travail dans les usines de la place afin de ne pas crever de faim. Cela fut fait. Nous avions négocié férocement, au prix de multiples supplices, pour que nous puissions être acceptés dans une usine de plastique dénommée “Ok plast”. Nous y avions travaillé comme journaliers, pour un salaire de 3000 congolais le jour pour six jours d’affilée.

Mais, il était difficile pour nous que les chefs nous retenaient tout le temps, comme les enfants du pays, les congolais, avaient aussi de sérieux problèmes de chômage. Donc, ils ne pouvaient pas nous privilégier, nous qui étions des étrangers  par rapport aux natifs. Ainsi, la discrimination était posée. Il nous fallait de fois  monnayer aux fins de nous retenir.

Le HCR de Kinshasa avait refusé de notre prendre en charge, disant que l’assistance aux réfugiés n’était donnée que sur le camp. Notre situation devenait terrible comme personne ne nous soutenait. Nous avions ainsi passé de durs moments.

Je recevais de  temps en temps de l’argent de ma grande sœur qui vit en Italie, mais cela ne pouvait pas tout couvrir comme le coût de vie était très élevé. Nous avions parcouru la majorité des usines de Limeté Industriel. Mais deux usines seules nous avaient acceptés : “Ok plast” et “Ok food”.

Or, j’avais sur moi mes diplômes d’étude en droit, et il était difficile de m’en procurer du travail. J’étais allé donc demander au niveau d’une station radio catholique si je pouvais être y retenu comme pigiste. J’avais été retenu après un entretien avec le directeur du programme qui m’avait employé comme rédacteur au sein de la section du journal en français. Un salaire forfaitaire m’était donné, lequel ne pouvait non plus subvenir à mes besoins. Mais je n’avais pas le choix.

Dans l’enceinte de la radio, une dame tenait un restaurant. Elle était obligée de me donner à manger gratuitement tous les jours, vu ma situation. Cela m’avait vraiment soulagé. Son geste est inoubliable. Je lui en serai à jamais reconnaissant.

Enfin comme les choses n’allaient pas bien et que la situation sécuritaire à Bangui commençait à s’améliorer après la chute de Ndjotodia,  j’avais décidé de rentrer au pays. Je ne pouvais pas continuer à vivre ainsi. Donc, j’étais allé rencontrer le personnel du HCR pour qu’on puisse me ramener sur le camp de Molet, ce qui devait me permettre de rentrer facilement au pays.

J’avais été programmé pour un vol gratuit des Nations Unies. Ce vol était à destination de Limbégué. Et de là, un véhicule du HCR m’avait récupéré et m’avait ramené sur le camp. Le même jour, j’avais pris une moto pour me rendre à Zongo. Le soir même vers 18 heures, j’avais traversé en pirogue à Bangui…

 

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