Les reactions des Africains à l’attaque terroriste de Charlie Hebdo

– André SHAMBA, 15 January 2015.

Indignation, émotion, colère, choc et compassion, sont là les sentiments exprimés par les africains suite a la l’attaque terroriste contre l’hebdomadaire français satirique Charlie Hebdo. Douze personnes, dont les célèbres dessinateurs Cabu, Wolinski, Tignous et Chab, ainsi que deux policiers, ont été tuées.

Quand la presse africaine se sent concernée

La presse africaine est concernée et professe sa solidarité et son soutien a Charlie Hebdo, ainsi qu’a la liberté d’expression ; en même-temps qu’elle s’indigne de cet acte criminel qui a pour objectif d’intimider la presse du monde entier et tuer la démocratie. Dans le registre des réactions de la presse africaine suivies ce jeudi 08 janvier sur les ondes de la Rfi, dans ses éditions spéciales consacrées à cet attentat, nous pouvons  reprendre celles qui suivent:

Hichem, caricaturiste algérien du journal El Watan, dit avoir eu « une onde de choc terrible » en apprenant que c’était dans une salle de rédaction, au siège de Charlie Hebdo et pendant la réunion de rédaction. Il parle d’un « horrible, terrible et dramatique massacre ».

A Kinshasa en République Démocratique du Congo(RDC), Tshivis Tshivuadi, secrétaire général de l’ONG Journaliste en danger(JED) qui se bat depuis des années pour la liberté d’expression en RDC et dans le huit pays voisin d’Afrique Centrale, qualifie cette attaque d’un « crime odieux ». Exprimant sa pensée pleine d’émotion pour toutes les victimes de ce qu’il appelle aussi « attaque barbare et lâche », Tshivis Tshivuadi est convaincu que Charlie Hebdo a été attaque parce que « c’est un journal qui dérange par les informations qu’il diffusent et par les critiques qu’il émet ». Le secrétaire général de JED s’étonne de ce que cet acte soit perpétré en « plein Paris, dans un pays considéré comme un modèle de la démocratie, de la liberté et de la tolérance ». Il appelle à la mobilisation contre cette intolérance et contre cette attaque menée contre la démocratie et contre les valeurs fondamentales de la liberté dans une société.

« C’est une volonté de la part des forces, que j’appelle rétrogrades, de tuer une liberté qui est la liberté de la presse, la liberté de critiquer. C’est comme si on nous demandait de reculer de dix siècles en arrière, pour tomber dans la période de l’obscurantisme », s’indigne Antoine Tiemoko Assal, directeur général du bi-hebdomadaire l’Eléphant déchainé en Côte d’Ivoire, lui-même victime d’une tentative d’assassinat récemment.

Au Sénégal, Odia, le dessinateur des caricatures du mensuel le P’tit railleur sénégalais, le seul journal satirique du pays, se dit « dévasté », surtout par la mort de son modèle, le dessinateur Cabu. Odia dit ne pas comprendre qu’un homme soit tué par la force des armes à cause des idées. Il s’étonnent qu’il y est certaines personnes aussi narcissiques qu’elles sont prêtes à donner la mort à leurs semblables pour faire valoir leur « manière de voir le monde et leur manière de penser leur religion ». Pour Tiokk Baram le rédacteur en chef du mensuel, c’est une « dictature de la pensée unique ; d’une pensée qui ne pense même plus; qui se contenterait de propager des dogmes et nier le libre arbitre de la personne ». D’où l’importance de continuer, conclu-t-il.

Indignation et colère de bien de journalistes en République Islamique de Mauritanie. Moussa Ould Samba Sy, président du Regroupement de la presse privée mauritanienne dit sa crainte de l’amalgame que cette attaque terroriste risque de créer, et dénonce ceux qui cautionnent cet attentat. Exprimant son horreur totale pour ce qu’il dit être un « acte absolument inqualifiable qui vient de frapper des journalistes », Moussa Ould Samba Sy, conclus que « désormais, nous faisons un métier qui est dangereux où que l’on soit ».

Et quand les Etats et les politiques s’indignent

L’acte terroriste perpétré contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, qui a couté la vie à douze personnes, dont le responsable de ce journal satirique français, en fin de matinée dans le onzième arrondissement de Paris hier mercredi 07 janvier 2015, n’a pas laissé indifférents les autorités africaines. La plupart des chefs d’Etats du continent se disent très choqués par ce qui peut être appelée désormais « massacre en plein cœur de Paris ». Les réactions de certains d’entre eux sont  lues ou diffusées par la Rfi, d’autres sont publiées sur leurs comptes Twitter.  Dans leur ensemble, ils condamnent fermement cet attentat et disent leur compassion  et tout leur soutien à la France et au peuple français, en même-temps qu’ils réitèrent leur engagement aux cotés de la France pour combattre le terrorisme. C’est le cas des présidents de la Côte d’Ivoire, du Niger, de l’Algérie, de la Mauritanie ; du roi du Maroc. En Tunisie, le président du parti Islamiste Ennahdha s’est dit horrifié par l’attaque de Charlie Hebdo et craint l’amalgame que celle-ci risque de créer.

 Ce que pensent les citoyens africains

Au delà des réactions des officiels et des politiques africains, ainsi que celles de la presse du continent, les citoyens africains des diverses classes sociales se sont exprimés eux aussi sur l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo : certains aux micros des reporters de la Rfi, d’autres sur les réseaux sociaux notamment Facebook qui est beaucoup utilisé en Afrique. Nombre de ces africains qui ont réagit a cet attentat disent être consternés, choqués et éberlués par cet attentat qui a tué douze personnes. Traditionnellement liés au respect de la vie humaine, les citoyens africains qui ont réagit dans les medias sont horrifiés par le courage exagéré de deux terroristes qui ont massacré lâchement douze personnes sans pitié ni sens humain. Ces citoyens africains ne comprennent pas, comment une attaque aussi meurtrière peut se réaliser en pleine capitale de la France, qu’ils considèrent comme l’un des pays les mieux sécurisés de la planète ayant les services de sécurité et de renseignement aguerris.  Certains internautes africains se demandent : si la France, pays-sauveur de certaines zones d’Afrique aux attaques terroristes et des forces négatives manifeste aujourd’hui l’incapacité de déjouer le projet-plan terroriste au cœur de sa capitale, que deviendront les pays africains qui comptent sur et avec la France pour éradiquer, ou mieux anéantir les terroristes ?  Un questionnement questionnant, qui donne libre cours au débat qui va dans tous les sens sur la toile.

Si la majorité des africains condamne cet acte terroriste contre Charlie Hebdo, d’autres par contre, malgré peu nombreux, se félicitent de ce qu’ils appellent une « bonne leçon donnée aux impérialiste français »- extrémistes dans leur croyance, sont-ils, ils profèrent les injures à l’ endroit, et des victimes,  et de la France comme République : encore un motif de polémique continue sur diverses pages Facebook, et sur des sites internet d’informations.

Ce qu’il faut comprendre 

L’attentat perpétré à la rédaction de Charlie Hebdo par deux terroristes armés le mercredi 07 janvier a Paris, tuant douze personnes, ouvre un champ de réflexions au sein de la société africaine dans trois domaines notamment, la presse, la sécurité et la politique.

Dans le domaine de la presse, il pose la question sur les limites de la liberté d’expression, et donc de la liberté de la presse. Dans ce cas, deux thèses s’affrontent sur le terrain. La première est celle soutenue par beaucoup de journalistes africains ainsi que leurs corporations et les ONGs de défense des droits de l’homme. Pour eux, les terroristes ne peuvent pas empêcher la presse d’exercer librement ses droits, comme ils ne peuvent pas non plus étouffer la liberté d’expression par les intimidations en perpétrant des attaques contre les maisons de  presse et leurs agents. De ce fait, la liberté de la presse reste consécutive au code de conduite et de la déontologie qui guide la profession du journalisme. La seconde thèse, est celle de ceux qui considèrent que la liberté d’expression ou de la presse doit se limiter aux humains. La presse ne peut en aucun cas analyser ou critiquer les divinités ou encore les croyances et les religions qu’ils estiment être sacrées. Considérés à tort ou raison comme extrémistes et ou poltron, qui   encouragent l’intolérance, les défenseurs de la seconde thèse ne sont pas aussi nombreux dans la presse, quand bien-même ils continuent de tenir la tête aux discussions polémistes qui se déroulent sur la toile, dans les medias sociaux. Une chose est vraie, cet événement malheureux a suscité une vague de peur chez un bon nombre de journalistes africains comme chez les dessinateurs-caricaturistes qui vivent déjà sans l’assurance de leur sécurité personnelle.

Sur le plan sécuritaire, les gouvernements africains sont tenus de penser au renforcement de leurs systèmes de sécurité respectif. Embarrassés  par cette attaque, les gouvernants du continent, surtout ceux qui abritent les différentes bases militaires françaises et ceux qui bénéficient du soutien sécuritaire de la France, sont tenus à relever le niveau de vigilance pour éviter que leurs pays ne soient des prochaines cibles des terroristes qui ont déclaré la guerre contre la France et tous ceux qui la soutiennent, depuis son intervention au nord du Mali.

Sur le plan politique, l’attentat contre Charlie Hebdo, suscite le débat sur la politique extérieure de la France notamment en Afrique. Il est de toute connaissance que, ces dix dernières années, la France est redevenue le gendarme en Afrique.  Cette présence de la France « commando » en Lybie pour déboulonner le régime de Kadhafi et la France «  sauveur –bouclier » au Mali, dans toute la bande Sahélienne n’est pas du gout de tous les africains en général, ni de tous les chefs d’Etats du continent en particulier. La présence de la France est perçue par certains comme motif d’aggravation des menaces terroristes ainsi que leur radicalisation, même si pour d’autres sans le soutien de l’Etat français, l’Afrique seule ne sera pas en mesure de combattre les terroristes.

Entre la peur de la prochaine cible-inconnue de terroristes et la détermination de défendre la démocratie symbolisée  en cette situation par la liberté d’expression, l’opinion africaine reste a la croisée des chemins – entre temps, le débat ne cessent de prendre de l’ampleur dans les medias sociaux et les jours à venir nous révélerons la suite.

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